Regards croisés sur la démocratie et la participation citoyenne

Article rédigé par Charlie Wittendal

Katalizo était présente à la formation offerte par l’AQOCI le 8 mai 2024. Celle-ci avait pour but d’apporter une meilleure compréhension collective de la participation citoyenne, avec un accent mis sur l’égalité des genres et l’intersectionnalité. Plusieurs personnes ont été invitées à s’exprimer sur les différents enjeux qui touchent la démocratie et la participation, en lien avec les organismes dont ils et elles font partie, les projets mis en place, et leurs connaissances.

 

Francis Dupuis-Déri

Francis Dupuis-Déri a contesté l'origine athénienne de la démocratie, affirmant qu'elle existait ailleurs bien avant. Il a décrit la transition de la démocratie directe à la représentative avec l'essor des nations et la croissance démographique. Il a évoqué les pratiques démocratiques des Hurons-Wendat en Amérique du Nord, antérieures aux restrictions coloniales. Il a critiqué l'usage moderne du terme "démocratie" par les pères fondateurs, opposés à la démocratie athénienne, mais l'adoptant pour séduire les électeurs tout en conservant des pratiques médiévales. Dupuis-Déri a exploré les tensions entre diverses pratiques démocratiques et la participation citoyenne, souvent limitée, tout en soulignant les efforts des mouvements sociaux pour plus d'inclusivité.

 

Denis Côté - AQOCI

Denis Côté a présenté des statistiques sur les élections mondiales en 2024, notant que seulement 30% des élections sont libres. Il a répertorié 91 démocraties libérales et 88 autocraties, avec une tendance croissante à l’autocratisation touchant 2,8 milliards de personnes. Il a souligné la sous-représentation des femmes en politique malgré les quotas adoptés par 86 pays, et a insisté sur la nécessité d'améliorer la parité.

 

Rosa Emilia Salamanca - Corporation de recherche et d’action sociales et économiques

Rosa Emilia Salamanca aborde la crise sociale actuelle en Amérique latine et dans le monde, soulignant plusieurs enjeux interconnectés. Parmi ceux-ci, la production et les changements climatiques sont cruciaux, notamment la déforestation, la perte de biodiversité et la gestion de l'eau douce, une ressource limitée sur notre planète majoritairement recouverte d'eau salée. Les inégalités socio-économiques exacerbent ces crises, avec une élite restreinte possédant la majorité des richesses, laissant la majorité de la population dans une précarité constante. L'instabilité politique, marquée par la montée du populisme, du nationalisme et des régimes autoritaires, complique encore la situation, affectant les droits humains et mettant en péril les valeurs sociétales traditionnelles comme l'individualisme et la compétition. Le système patriarcal entrave également les réformes nécessaires pour un changement durable. Face à ces défis, Salamanca préconise une approche intégrale pour comprendre et résoudre la crise humanitaire et civile.

 

Ndiaga Loum - Université du Québec en Outaouais

Ndiaga Loum, quant à lui, explore les dynamiques politiques en Afrique, mettant en garde contre la vision réductrice de l'Afrique comme une entité homogène. Il insiste sur la diversité des états africains et l'importance de comprendre cette complexité pour analyser correctement les réalités politiques du continent. Loum souligne l'espoir représenté par la jeunesse africaine, et critique l'utilisation généralisée du néopatrimonialisme comme cadre d'analyse des démocraties africaines, estimant qu'il manque de spécificité. Il retrace des séquences historiques clés, telles que la transition démocratique des années 1990 et le printemps arabe, qui ont suscité des espoirs souvent déçus par le retour des autocraties. Le Sénégal est présenté comme un modèle de démocratie en Afrique, un succès attribué à des éléments culturels uniques, où la résolution des problèmes passe souvent par des autorités religieuses locales, les marabouts, plutôt que par les institutions formelles.

 

Fernande Abanda - Inter Pares

Inter Pares est une organisation féministe et de justice sociale qui repose sur le principe de la solidarité internationale. L’organisme intervient principalement en Afrique de l’Ouest où il travaille en collaboration avec des organismes locaux pour soutenir des groupes de femmes et des organisations paysannes. Face à des défis tels que l’insécurité alimentaire, l’injustice climatique et les inégalités de genre, ils ont lancé le projet ÉGALE-AO, visant à promouvoir l'égalité de genre par l'agroécologie dirigée par les femmes, en améliorant leur leadership et leur accès aux ressources économiques. Avec pour cibles 25 000 bénéficiaires directs et 900 000 indirects, ils font face à des obstacles comme l'exclusion des femmes des décisions politiques et la marginalisation de leurs besoins.

 

Cette formation s’est conclue par un atelier divisé en sous-groupes pour réfléchir collectivement à la démocratie et à la participation citoyenne. Au terme de cet atelier, les discussions ont porté sur l’inclusion des groupes dans une approche intergénérationnelle et interculturelle, ainsi que sur les effets ambivalents de la technologie. Les participants ont également mis en avant la nécessité de statistiques, de récits et de témoignages pour illustrer les enjeux vécus. À travers ces présentations et réflexions collectives, cette formation propose une vision positive pour l'avenir de la démocratie. Elle rappelle l’importance de créer des espaces d’expression pour tous les groupes marginalisés et met l’accent sur des initiatives positives ayant un impact fort sur la société. Nous rappelant qu’une participation citoyenne juste et engagée pourra en effet permettre une plus grande justice sociale, tenant compte des inégalités et croyant au potentiel de chaque individu.